Ses yeux laissent coulés ses larmes le long de ses joues et tombent une à une sur le sol. Seiya pleure. Je le regarde dans les yeux : ils sont vides. Il n’y a pas de lumières, il n’y a plus de regard, mais remplis de souffrances. Mon cœur se serre. Je ne supporte pas de voir Seiya aussi « loin » de moi. Le pire… C’est que je ne comprends pas pourquoi… Enfin, je ne comprends pas sa réaction. Je pensais plutôt qu’il se jetterait sur Mamoru et l’inonderait de coups de poing et de « Salopard ! » ou encore de « Je vais te massacrer ! ». Il ne peut pas accepter que quelqu’un d’autre me touche… Alors… Pourquoi ?
_Hé mec ! T’es pas censé être son p’tit copain ? Qu’est ce que tu fous à pleurer comme une grossesse ? s’écrie Mamoru
Seiya l’ignore. Il n’est plus là.

OoOoOoOoOoOoOoOoOoOoOoOoOoOoOoOoOoOoOoOoOoOoOoOoOoOo

Elle m’a abandonné.
Elle m’a trahit.
Elle m’a brisé…
J’ai mal…
Terriblement mal.
Affreusement mal.
Je crois que je me suis blessé.
Je dois saigner.
C’est profond.
Très profond.
Mais je ne vois pas où c’est.
C’est à l’intérieur.
A l’intérieur de moi :
C’est mon cœur.
Il est mort.
Je suis mort.
Mais… Pourquoi je respire encore ?
Je dois partir.
Car elle est partie…
Avec un autre.
J’espère au moins qu’elle sera heureuse.
Car moi, je me tue.
Car toi, tu m’as trahit

OoOoOoOoOoOoOoOoOoOoOoOoOoOoOoOoOoOoOoOoOoOoOoOoOoOo

_Tu me réponds, oui ?!
Seiya ne réponds pas. Mamoru a beau l’injurier, le menacer, Seiya reste neutre.
/Affreusement mal…/
Pourquoi ?
/C’est profond…/
Je ne comprends pas…
/C’est mon cœur…/
Me parle t-il ? Ou est-ce des murmures ?
Mamoru avance d’un pas et lève le poing de façon agressive.
_Arrêtes de m’ignorer p’tit ou je vais me fâcher !
/ …Partie… Avec un autre…/
Un doute me traverse l’esprit :
_Seiya… ?
Il sursaute. Un simple murmure, et il reçut comme une décharge électrique dans tout le corps. Il cligne des yeux. Je le regarde: son regard est revenu… Mais pas la lumière.
Soudain, une lueur rouge l’entoure et il croise les bras sur son torse. Et il me murmure faiblement. Très faiblement. Mais suffisamment pour que je comprenne. Comme ci cette phrase n’était qu’une pensée qui a traversé son esprit trop fort.
_Tu… m’as… trahis…
On entend un déchirement de vêtements, et son haut cède de part et d’autres dévoilant son torse musclé.
Du sang coule le long de son dos et tombe goutte à goutte par terre. Au niveau des deux omoplates, sur chacune, la peau s’ouvre formant une coupure droite, très profonde, et bien symétrique l’une à l’autre. Les blessures se déchirent un peu plus, laissant sortir du corps de Seiya, de longues ailes de chauve-souris…
Un cri retentit :
_Haaaaaaa !!
Les yeux de Mamoru s’agrandirent de terreur. Il montre de l’index Seiya, balbutiant quelque chose d’incompréhensible, tout en reculant, les jambes tremblantes. Il ne voit pas la bouteille de bière couchée derrière lui, et marche dessus, bascule et tombe sur les fesses.
Je regarde avec une incrédulité teintée d'émerveillement les grandes voiles se replier doucement autour de Seiya. Des ailes sombres et fines, souples, qui s'ébouriffent autour de son crâne, cachant à demi ses yeux devenus soudainement d’un rouge étincelant, mais toujours inondés de larmes.
J’ouvre et ferme la bouche à plusieurs reprises, voulant dire quelque chose, mais mes paroles restent bloquées dans ma gorge. Mais avais-je l’intention de parler ? Je ne sais pas. Je ne peux définir les sentiments que je ressens en ce moment: De la surprise ? Je ne pense pas. J’avoue qu’avec les derniers événements, je ne suis plus surprise de rien. De la peur peut-être ? Avoir en face de vous la personne que vous aimez le plus avec de grandes ailes de chauves souris et les yeux éclatants d’un rouge sanguin donneraient à une personne « normale » un sentiment de panique, de terreur, d’épouvante et d’écœurement. Cela renvoie un peu à mes explications précédentes : Je suis moi aussi un vampire. Je suis devenue un monstre assoiffée de sang. Je fais partie des légendes et des cauchemars. Pourquoi voir un autre de la même espèce me ferrait-il peur ? Ma vie a été totalement bouleversée par notre rencontre, Seiya et moi. Non, je ne ressens pas de la peur. J’ai… Comment dirais-je… Des douleurs dans ma poitrine, me provoquant des difficultés respiratoires. Mais cette douleur se situe qu’à un seul et unique endroit : mon cœur. J’ai mal au cœur tandis que mon regard reste accroché à celui de Seiya. Mes yeux brûlent. Je sens mes joues se refroidirent au contact du vent. Je lève mon bras doucement, comme si un mouvement brusque pouvait faire tout disparaître, et effleure du bout de mes doigts les gouttes d’eau qui coulent le long de mes joues. Je pleure, et je ne m’étais même pas rendu compte. C’est sans doute un sentiment de… tristesse qui s’empare de moi. A moins que ce soit un mélange de tous ces sentiments? Je n’en sais rien. Mais un détail vient de me revenir : Seiya pleure aussi. Serait ce alors de la compassion ? Ressentirais-je les sentiments de Seiya ?
J’essuie mes larmes d’un revers de main.
Le vent se lève et fait flotter mes cheveux à son grès. Seiya déploie lentement ses longues ailes. Il élève son visage et fixe de son regard rouge sanguin la Lune, qui éclaire la nuit de toute sa totalité, comme ci cette lumière était la source de son pouvoir. Seiya ouvre doucement la bouche, laissant apparaître ses longues canines, et pousse un long cri perçant semblable à ceux des chauves souris. Je ne bouge pas. Une lueur rouge commence alors à l’entourer. Seiya repousse un cri, mais cette fois ci plus long, plus aiguë, plus terrible que le précédent, sans détacher son regard de la lune éblouissante. La lumière qui l’entoure devient plus forte. Je ne bouge pas. Il replie ses ailes tout autour de lui, cachant son corps rayonnant de la même couleur que ses yeux. Je ne bouge pas. Mon corps est paralysé. Les questions se bousculent dans ma tête : Que se passe t-il ? Pourquoi suis-je là ? Que dois-je faire ? Pourquoi je ne peux rien faire ? Pourquoi personne ne peux m’aider ? Pourquoi suis-je seule ? Pourquoi Seiya n’est pas avec moi ? Pourquoi me fait-il tant souffrir maintenant ? Pourquoi il ne me protège plus et s’éloigne d’avantage de moi ? Pourquoi est-ce que je dis cela ? Est il toujours là ? Pourquoi je ne sens son amour pour moi… disparaître? La lumière que dégage le corps de Seiya me brûle les yeux et je me protège instinctivement avec l’aide de mon bras. Mais la lumière cesse aussitôt. Après un tel éclairage, mes yeux ont du mal à s’habituer à l’obscurité de la nuit et pendant un moment je reste sans visibilité. Je ferme un instant mes yeux, pour les rouvrir sur Mamoru, toujours à terre, la bouche grande ouverte, les jambes tremblantes et le regard fixé sur un point. Je me retourne vers Seiya. Il a disparu. Je cligne plusieurs fois des yeux. Il n’est plus là. Mon cœur s’accélère d’un seul coup et la panique me gagne. Je reste le regard vide, là où se tenait mon amour quelques secondes auparavant. Quand soudain je sens un courant d’air faire virevolter mes cheveux. C’est alors que je l’aperçus. Une chauve-souris noire. Elle vole autour de moi et Mamoru avant de s’envoler dans la nuit, emportant avec elle mes angoisses. Je tourne mon visage vers Mamoru, encore tremblant, le regard dans le vide. Il a eu peur. Il a eu effroyablement peur. La réalité de la vie lui a éclaté aux yeux comme un coup de tonnerre, qui arrive sans prévenir. Mais ces châtiments ne sont pas suffisant face à ce qu’il m’a fait subir. Je m’avance vers lui et m’accroupit de façon à ce que nos yeux se croisent. Son regard est vide, sa pupille dilatée. Il est dans un état de choc.
_Tu sais, Mamoru…
Il retient son souffle, comme si quelque chose de terrible allait arriver. Obtenant une réaction de sa part, je décide de poursuivre :
_S’il y a bien une chose que tu m’as apprise, c’est que souffrir passe, mais avoir souffert ne passe pas. Maintenant, c’est à moi de me venger. On se retrouvera Mamoru.
Mamoru coupe le contact entre nous en fermant les yeux…
Je me lève, baissant mon regard sur l’homme allongé par terre, évanouit.
Sans plus attendre, je fais volte-face et cours vers la sortie de cette rue sombre.
_Attends-moi Seiya, je murmure pour moi-même, j’arrive !

Owari... … 25/Mai/04 18h20